L'ORIGINE DE LA VIOLENCE de Fabrice Humbert

Publié le par RMYBR

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J'ai terminé hier soir la lecture de ce livre.

Un roman puissant, bouleversant, un style épuré, sans fioriture.

Un roman magistral,

le meilleur parmi tous ceux que j'ai lus,

depuis longtemps,

qui relativise d'un coup l'intérêt de beaucoup d'autres.

 

« Secret de famille
Comment une photo permet-elle de remonter le temps
Fabrice Humbert, dans L’Origine de la violence (Le Passage), le démontre d’une manière implacable


  C’est avant tout une histoire de famille. De grande famille de Normandie : « Nous, les Fabre, notre famille est une construction, un bâtiment arc-bouté, sans failles, parce que nous colmatons les fêlures. » Le narrateur de cette famille Fabre, où députés, hauts fonctionnaires et préfets se reproduisent à chaque génération, est le « canard sauvage » de cette lignée : l’intellectuel. C’est lui qui découvrira la fêlure, qui fera tomber le château de cartes de la respectabilité.
Ce troisième livre de Fabrice Humbert se lit comme un « roman noir ». Il y a d’abord une victime à la mort atroce sur la colline sacrée de l’Ettersberg près de Weimar – là où Goethe et Schiller allaient « converser » : c’était le 20 avril 1942, à Buchenwald.
Lors d’un voyage de classe à Weimar, le narrateur, jeune professeur dans un lycée franco-allemand, découvre sur un mur du camp « la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie ». Comme cela se fait-il, alors qu’il sait qu’aucun membre de sa famille n’a été déporté ? Rentré à Paris, autour d’un « foie de veau » d’une brasserie célèbre, il parle de son trouble à son père. Ce dernier ne comprend pas. Mais son fils n’en reste pas là, il veut savoir. Alors commence son enquête…
Elle est passionnante. Fabrice Humbert décortique tout. Il rencontre des témoins. Fait parler. Petit à petit tout s’éclaire, le puzzle se reconstruit. La fêlure de la famille apparaît. Son père Adrien est un bâtard : il est le fils de David Wagner (oui, homonyme avec le médecin de Buchenwald Erich Wagner), que ce dernier a eu avec Virginie, la femme de Marcel Fabre, père officiel d’Adrien. Ce détenu sur la photo du camp n’est autre que David Wagner, le vrai grand-père du narrateur. Comment est-il arrivé dans ce camp en 941, avant les rafles de 1942 ? Qui a dénoncé le Juif David Wagner ? La réponse glace le sang « tant elle révèle une incommensurable bêtise ». Et pourquoi le médecin du camp Erich Wagner assassine-t-il un détenu qui porte le même nom que lui ?
Toutes les révélations qui apparaissent, petit à petit, dans ce roman époustouflant donnent froid dans le dos. Le mal, la violence sont comme des lignes de la main qui annoncent tous les événements qui disent la vérité.
Il ne faut pas tout dévoiler de ce roman qui contient sur Buchenwald des pages plus fortes – peut-on écrire plus belles ? – que celles qu’on a pu lire dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Il y a chez Fabrice Humbert une humanité plus intense dans la mesure où cette histoire familiale chamboule tout. Dans la mesure où cette histoire de « mal absolu » vient casser la façade honorable des apparences. On reste abasourdi par ce torrent de violence souterraine qui peut couler sous les sourires et la bienséance.
Un grand livre, vraiment. »

 André Rollin
Le Canard enchaîné, mercredi 7 janvier 2009

Publié dans Littérature

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